Peinture : Qui doit la payer, locataire ou propriétaire ?

Il y a des appartements qui vous sautent au visage. Un jaune poussin éclabousse les murs du salon, vestige éclatant des choix chromatiques de l’ancien locataire. À peine la porte franchie, la question fuse : qui va devoir sortir le portefeuille pour faire disparaître cette audace ? La réponse, elle, n’a rien d’évident et déclenche parfois plus de débats qu’un conseil de famille sous tension.

Derrière une simple histoire de couleur se cachent parfois des mois de crispations, des allers-retours de mails polis puis agacés, et des batailles d’arguments dignes d’un western de Sergio Leone. Les uns brandissent le Code civil, les autres la logique du bon sens. Mais à qui revient, en vérité, la mission (et la facture) de redonner des murs neutres à un logement locatif ?

A lire en complément : Décryptage des exigences du certificat d'hébergement en France

Peinture dans une location : ce que dit la loi

Impossible d’y couper : la loi du 6 juillet 1989 encadre la relation entre bailleur et locataire, et elle est claire sur un point. Le propriétaire doit fournir un logement décent, c’est-à-dire notamment avec une peinture en bon état lors de l’arrivée du locataire. La jurisprudence n’a de cesse de le rappeler : si la peinture s’écaille ou que la couleur vire au passé, le logement n’est plus conforme à l’exigence de décence.

Le décret du 26 août 1987 affine la partition des tâches. L’entretien courant – petits raccords, taches à nettoyer, traces à effacer – incombe au locataire. Mais tout ce qui relève d’une rénovation complète due au temps ou à un défaut de construction reste à la charge du propriétaire.

Lire également : Indivision post-communautaire : définition, fonctionnement et conseils juridiques

  • Le propriétaire doit prendre en main la remise en état de la peinture dès lors qu’il s’agit d’usure normale, de vétusté ou de vice de construction.
  • Le locataire assure, quant à lui, les rafistolages du quotidien, sans avoir à refaire tout l’appartement avant de partir.

L’état des lieux d’entrée et de sortie fait office d’arbitre. Il trace la frontière entre ce qui relève de l’usage normal et ce qui sort du cadre. Si une grille de vétusté accompagne le bail, elle précise la durée de vie moyenne des peintures et autres revêtements. À retenir : une peinture un peu passée par le temps ne justifie pas de ponctionner le dépôt de garantie. Seuls les dégâts manifestes, hors simple usure, peuvent justifier une retenue.

À qui incombe la prise en charge des travaux selon les situations ?

La frontière n’est pas tracée au cordeau. La responsabilité de la peinture dépend du contexte, et il existe trois grands cas de figure qui font la pluie et le beau temps dans les discussions entre propriétaires et locataires.

  • Usure normale et vétusté : ici, le propriétaire doit prendre les devants. Si la peinture a simplement vieilli ou pâli avec les années, la remise à neuf lui revient. L’état des lieux sert de référence, tout comme la grille de vétusté si elle figure dans le bail.
  • Entretien courant : le locataire, lui, doit gérer le quotidien. Un coup de chiffon, une retouche sur une trace ou une griffure, un lessivage : c’est pour sa pomme.
  • Dégradations ou changements radicaux : si le locataire a pris des libertés artistiques sans l’accord du propriétaire (par exemple, une fresque fluo dans la chambre ou des motifs géométriques dignes d’un musée), la remise en état est à sa charge.

L’état des lieux dresse un constat précis à l’entrée comme à la sortie. Un dépôt de garantie peut être amputé pour des dégradations avérées, mais jamais pour une peinture simplement fatiguée par le temps.

Situation Prise en charge
Usure normale / vétusté Propriétaire
Entretien courant, petites retouches Locataire
Dégradations ou choix esthétiques discutables Locataire

À noter : certains baux prévoient que le locataire puisse entreprendre des travaux de plus grande ampleur contre une réduction de loyer. Ce type d’accord reste rare et doit réunir l’assentiment des deux parties, noir sur blanc.

Quand le locataire souhaite changer la couleur ou rafraîchir les murs : droits et limites

En matière de personnalisation, le locataire avance avec une liberté mesurée. Repeindre les murs, opter pour une nouvelle teinte, rafraîchir un blanc qui grisonne : tout cela est possible, à condition de ne pas transformer le logement en chantier irréversible. Un principe prévaut : rester dans des couleurs sobres, faciles à recouvrir, et éviter les extravagances qui compliqueraient la remise en état.

La nature de la peinture – mate pour le salon, satinée pour la chambre, brillante dans le couloir – relève du bon sens, mais le locataire doit toujours anticiper la réaction du propriétaire lors de l’état des lieux de sortie.

  • Le coût des travaux de personnalisation revient intégralement au locataire. Le propriétaire n’a pas à financer ces envies de changement, même pour un simple coup de frais.
  • Si le projet s’annonce audacieux (couleurs vives, motifs affirmés), un accord écrit du bailleur devient nécessaire.

La jurisprudence n’hésite pas : des tons jugés « trop originaux » (mauve, bleu électrique, rouge vif) peuvent motiver une retenue sur le dépôt de garantie. Le propriétaire est alors fondé à réclamer que le logement lui soit rendu dans un état neutre.

Côté finances, repeindre un mur coûte en moyenne 20 à 30 € du mètre carré, sans compter la main-d’œuvre. L’application d’une sous-couche reste fortement recommandée pour un résultat durable et pour faciliter les futurs changements de décor. Quoi qu’il arrive, chaque transformation doit permettre au logement de rester attractif à la prochaine location.

peinture mur

Litiges et solutions en cas de désaccord sur la prise en charge

Quand la question de la peinture dégénère en affrontement, il vaut mieux commencer par discuter. Le dialogue direct, appuyé sur l’état des lieux, permet souvent d’éviter les lettres recommandées et les procédures interminables.

  • Si la tension monte, la commission départementale de conciliation peut être saisie gratuitement. Cette instance réunit locataire et propriétaire, tente une médiation et propose une solution qui, sans avoir force de loi, pèse lourd en cas de recours devant le juge.
  • À défaut d’accord, le juge des contentieux de la protection tranche. Il s’appuie sur la loi du 6 juillet 1989, le décret du 26 août 1987, la grille de vétusté, et examine chaque situation à la lumière de l’état initial du logement, de l’usure normale ou des éventuelles négligences.

Celui qui réclame doit apporter la preuve : factures, photos, devis, états des lieux détaillés. Il est vivement conseillé de tout formaliser par écrit, chaque échange pouvant servir de pièce à conviction.

La CAF peut aussi intervenir dans certains cas, notamment pour rappeler les droits des locataires à un logement décent si ceux-ci bénéficient d’aides. Mais le passage devant le juge, long et coûteux, reste l’ultime recours. La médiation, elle, a souvent le dernier mot.

Aux murs, la couleur finit toujours par s’estomper. Mais lorsqu’il s’agit de décider qui doit payer le pinceau, les discussions, elles, laissent parfois des traces bien plus tenaces que la plus vive des peintures.